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DU PaRéO : diplôme salutaire pour étudiants indécis
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Passer un diplôme pour trouver sa voie. Curieuse idée. C’est pourtant la promesse du diplôme d’établissement Passeport pour réussir et s’orienter (Paréo). Il offre aux néobacheliers, comme aux étudiants en réorientation, le loisir de prendre le temps nécessaire pour mûrir leur projet. Bien que perfectible, ce dispositif fait l’unanimité auprès des étudiants que nous avons interrogés.
Un mois et demi et puis s’en va. Des cours trop théoriques, un rythme harassant… La fac de droit aura finalement eu raison du rêve de Youna. Celui d’embrasser la carrière d’avocate. Elle s’y préparait pourtant depuis longtemps. « Dès le secondaire, je me suis démenée pour effectuer des stages auprès de professionnels », raconte-t-elle.
Statistiquement, l’étudiante sera bien comptabilisée parmi les quelques centaines de milliers d’autres étudiants de L1 en réorientation recensés chaque année. Précisément, 356 280 en 2021, selon les derniers chiffres de ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Les raisons ? Ils ne se plaisent pas dans leur cursus ou ne parviennent pas à le suivre, souvent par manque de méthodologie. Le décrochage les guette.
Mais pour Youna, pas question de perdre une année. C’est comme cela qu’en septembre, elle se dirige vers le bureau du psychologue de l'éducation nationale et de l'orientation de l’université d’Angers pour envisager d’autres pistes d’orientation. Sur ses conseils, elle choisit le diplôme d’université Paréo qu’elle intègre courant octobre.
Cette formation, qui s’invite dans les universités depuis 2020, aide les indécis à trouver leur voie. Accessible en rentrée décalée, ou directement après le bac, le diplôme Paréo offre une année de transition et de réflexion pour choisir une filière. Mieux adaptée aux aspirations de chacun. Est-ce efficace ? Épanouissant ? Il n’existe pas encore de données nationales officielles. Nous avons donc interrogé étudiants et responsables pédagogiques pour comprendre avec eux les vertus comme les faiblesses de cette formation.
Si Youna, Nathan, Bénédicte, Mathilde et Lucas ont rejoint le DU Paréo par choix, certains y arrivent « par défaut », observe Marie Delannoy, responsable du DU Paréo de l’université de Cergy. « Nous veillons à ajuster le dispositif en fonction des profils. Pour accompagner au plus près les besoins de chacun ». Et bien qu’il cible les lycéens et étudiants en difficulté face à leurs choix d’orientation, le DU Paréo demeure une formation sélective, à la capacité d’accueil limitée. Dans les faits, gare à bien motiver sa candidature.
Le paradoxe de la sélection
Créé en 2015 par l’université Paris Cité (anciennement Paris Descartes), le diplôme d’établissement Paréo devient un label du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en 2020. C’est-à-dire qu’il répond à un cahier des charges assurant un diplôme bâti sur une architecture commune (enseignements, stages, volume horaire…). Depuis, il essaime un peu partout en France. Il suffit de taper « PAREO » dans le moteur de recherche de Parcoursup pour que la liste s’affiche. Selon le recensement opéré par Julien Vidal, codirecteur du DU Paréo à l’université Paul Valéry de Montpellier, 1 600 places étaient proposées en 2022 dans toute la France. Pour 4 000 candidatures.
La sélection apparaît inévitable. « Un paradoxe pour un dispositif censé aider des étudiants un peu perdus », admet-il. À l’image de la moitié des universités, son établissement sélectionne sur dossier. La lettre de motivation revêt une importance capitale. Et Julien Vidal de préciser : « On évalue leur compréhension des objectifs et des enjeux de cette formation afin d’estimer leur future implication ». Exercice réussi haut la main pour Lucas, ancien étudiant à Paris Cité en 2021-2022. L’étudiant avait effectué un service civique peu après avoir abandonné sa L1 en droit. Avant de reformuler des vœux en réorientation sur Parcoursup, l’année suivante. Essuyant des refus en phase principale, il se met en quête de nouvelles formations pour la phase complémentaire. Et découvre alors le concept du DU Paréo. Une candidature et un entretien en visioconférence plus tard (pour cause de Covid), le voilà qui reprend le chemin de l’université.
Depuis la rentrée 2022, Paris Cité, qui offre 400 places en DU Paréo, organise à nouveau des épreuves écrites et orales de sélection. Une bonne moitié des universités procède également à des entretiens individuels en complément du dossier. À Paris Cité, les étudiants retenus suite à l’épreuve écrite – un QCM de mathématiques, de français et de culture générale – participent à un entretien collectif. « Il s’agit d’apprendre à les connaître et d’observer comment ils interagissent. Nous travaillons beaucoup l’orientation en groupe au cours de la formation », défend Marion Petipré, responsable du DU Paréo à l’université Paris Cité qui qualifie cette épreuve de « moment de discussion et d’échanges ». Et d’épreuve intimidante pour un jeune sortant tout juste du lycée ? Elle l’assure : « l’objectif n’est pas de discriminer ».
Dans certains établissements, le nombre restreint de places conduit à un autre type de sélection. « Nous sommes une université spécialisée en lettres-langue-arts-humanité. Nous privilégions les candidatures d’étudiants se projetant dans ces domaines, à l’université ou ailleurs. Nous ne disposons pas des compétences en interne pour aider ceux qui souhaitent poursuivre dans un domaine scientifique » justifie Julien Vidal. Pour les étudiants retenus, commence alors une année intense où il s’agit de s'investir à fond pour définir un projet d'orientation. Un module y est d'ailleurs entièrement dévolu.
Les heures consacrées à l’orientation font l’unanimité
Coaching, entretiens individuels, enquêtes métiers, interviews de professionnels… Les étudiants se montrent unanimes : la force du DU Paréo réside dans les ateliers consacrés à l’orientation. « C’est la partie qui me semble la plus utile », déclare Mathilde (le prénom a été changé à sa demande). Admise en Pass (Parcours d'accès spécifique santé), mais incertaine de vouloir s’engager dans cette voie ardue dont rien ne lui garantit la réussite, elle opte finalement pour le DU Paréo. Pleine d’espoir, car elle « ne sait pas du tout quel métier choisir ». Le DU lui aura « au moins » confirmé son « envie de travailler au contact des gens ». Et d’entrevoir les métiers du paramédical qu’elle n’envisageait pas. Mais, pour l’heure, elle n’est guère fixée sur les vœux qu’elle formulera sur Parcoursup pour la rentrée 2023.
Quand certains font face à l’indécision, d’autres doivent retrouver confiance en eux pour avancer. Est-il envisageable d’intégrer une formation en cinéma ou dans la photographie après un bac pro boulanger-pâtissier ? Nathan, 18 ans, en doutait fortement. Alors pour augmenter ses chances, il sait qu’il doit reprendre des études. Mais lesquelles ? L’étudiant compte bien sur le DU Paréo qu’il suit actuellement à l’université Paris Cité pour le déterminer. À raison de trois heures par semaine, le cours d’orientation constitue « un espace de parole pour affiner ses choix », détaille-t-il. « Les encouragements de ma coordinatrice qui constate mon implication à travers mes notes, ma culture générale, font du bien et insufflent un état d’esprit positif. »
L’estime de soi se trouve bien souvent bousculée suite à un abandon en L1 ou à un rejet de ses candidatures sur Parcoursup. « Il faut comprendre pourquoi ça n’a pas marché. Et l’accepter », analyse Émilie Goncalves, coordinatrice du DU 3R (Réagir, rebondir, réussir) labellisé Paréo de l’École universitaire de premier cycle à l’université Paris Saclay. Il faudrait aussi mieux accompagner les lycéens dans leur orientation afin qu’ils forment des choix éclairés.
De la théorie à la pratique, Paréo établit la liaison
Parce que le lycée a failli à cette mission, Bénédicte a décidé de suivre le DU Paréo sur le campus de Cholet, appartenant à l’université d’Angers. « Constater que je n’étais pas la seule à me sentir paumée m’a beaucoup aidée », confie celle qui rêvait de devenir chirurgienne dentaire et qui a mal vécu les normes imposées au lycée. « On vous dit que si vous n’avez pas un très bon niveau en maths, il faut oublier les études de médecine, pire qu’il ne faut pas choisir les spécialités scientifiques au bac », déplore-t-elle. Un discours décourageant qui ne met pas en lumière les autres voies pour qui aime les sciences.
Un tort que le module d’orientation du DU Paréo corrige. La Choletaise d’adoption y découvre le métier d’audioprothésiste. Une voie qui fait la part belle aux mathématiques, à la physique, à l’anatomie… Que son profil académique rendrait accessible. L’idée lui plaît. Reste à la confirmer. Ça tombe bien, le DU Paréo prévoit au moins 4 semaines d’immersion en entreprise, généralement scindées en deux périodes. « Une expérience essentielle pour lever les barrières et les idées reçues », souligne Émilie Goncalves. Quel que soit le diplôme préparé, la difficulté pour dénicher un stage demeure une réalité. Le DU Paréo, peu connu des entreprises, n’échappe pas à la règle.
Entrevoir le monde professionnel
Des qualités relationnelles et de la minutie. Voilà ce qui caractérise le métier d’audioprothésiste que vise Bénédicte. Elle ne l’a pas seulement appris à partir d’une fiche métier, mais aussi observé en conditions réelles auprès d’un professionnel de l’appareillage pour personnes malentendantes. Pour réaliser ce stage, la jeune femme doit retourner à la Martinique qu’elle a quittée quelques mois plus tôt. Et pour cause, c’est par une connaissance familiale qu’elle met un pied dans une entreprise.
« Il faudrait communiquer davantage auprès des entreprises pour faire connaître ce diplôme », suggère Youna. De son côté, elle s’applique à présenter les choses de manière positive dans ses candidatures. « J’explique que si je me trouve dans cette formation, c’est par choix ». Par cette posture affirmée, elle coupe l’herbe sous le pied des entreprises qui lui reprocherait de ne pas savoir ce qu’elle veut. Malgré tout, pour elle aussi, le réseau familial sera crucial pour trouver son stage au sein d’un service de communication. « Dans ma promo, on a réalisé qu’on possédait tous un réseau sans en avoir conscience et on a partagé nos contacts », s’exclame la future professionnelle de l’évènementiel.
« Les étudiants disposent d’un profil sans doute moins attractif pour les entreprises que des étudiants en licence ou en master », convient Marie Delannoy. « Nous maintenons autant que possible le lien avec les entreprises des promos précédentes. La direction de l’orientation et de l’insertion professionnelle de l’université reste mobilisée pour nous aider ».
À Paris-Saclay, Émilie Goncalves, fine connaisseuse du monde de l’entreprise dont elle est issue, dit tout mettre en œuvre pour organiser des rencontres. « Récemment, une grande banque nous a accueillis en mobilisant une quinzaine de collaborateurs de tous métiers qui ont communiqué leur adresse mail pro. Certains de nos étudiants ont trouvé leur stage ainsi », souligne-t-elle.
Quant à Nathan, il effectue son premier stage au service photo d’un grand quotidien national grâce à un contact interne. Son profil atypique a séduit sur le papier… et au cours du stage. « J’ai choisi des photos pour illustrer des articles, j’assistais à des réunions… ». Avec à la clé, de très bons retours de l’équipe. « Je peux revenir pour un autre stage si je le souhaite », rapporte l’ancien boulanger-pâtissier. Mais pour l’heure, il souhaite s’engager dans une tout autre voie, celle des sciences politiques. Une discipline découverte grâce au DU Paréo.
Revoir les bases et découvrir de nouvelles matières
Le DU Paréo se déroule en deux parties, généralement de septembre à fin mars : une période d’enseignements de remise à niveau, suivie d’un parcours disciplinaire au choix. À partir d’avril, les étudiants profitent d’une période libre, appelée « carte blanche », pour mener des actions en rapport avec leur projet d’orientation. Et un constat se dégage clairement : les étudiants interrogés pour cet article ne vivent pas tous le programme de la même manière selon leur profil scolaire et leur maturité.
« On devrait pouvoir choisir les cours qui nous intéressent », revendique Bénédicte. « J’ai le sentiment de perdre parfois un peu mon temps. Personnellement, la philosophie ne sert pas vraiment mon projet. » Il est vrai que l’université d’Angers, sur son campus de Cholet, propose un seul parcours mixte obligatoire pour tous (maths, anglais, psychologie, philosophie, sciences sanitaires et sociales, médias et suivi d’actualité, droit, gestion) avec néanmoins trois options au choix : biologie, économie, histoire. Un programme qui couvre sans doute des domaines trop éloignés ?
Il arrive aussi que l’enseignement disciplinaire n’aide pas beaucoup ceux encore dans le flou. Comme Mathilde. « Je préférerais passer plus de temps en entretien individuel avec le formateur du module orientation. C’est à cette occasion que j’avance le plus. »
Lucas qui a opté pour le parcours « société » trouve utile d’explorer « des matières comme le droit et la psychologie qu’on n’étudie pas au lycée », mais regrette de ne pas pouvoir suivre quelques cours au sein des autres parcours à l’université Paris Cité : sciences (maths, physique, biologie…), déclic (ressources humaines, économie des entreprises, droit…) ou Ifsi (pour intégrer un institut de formation en soins infirmiers).
De son côté, Nathan a vécu les cours disciplinaires comme une révélation. « Je redoutais de ne pas être à ma place, de ne pas avoir le niveau », raconte-t-il. « Or j’ai découvert que je peux écrire, que je sais analyser des textes ». Ses coups de cœur ? La psychologie et les sciences politiques grâces auxquelles il développe une culture politique et sociétale. Et pour ne rien gâcher, « les professeurs sont tous excellents et engagés », s’enthousiasme-t-il.
Les retours d’expérience des étudiants, ainsi que des équipes pédagogiques demeurent utiles pour améliorer le jeune dispositif. « Cette année, nous avons mis en place un enseignement en biologie et anatomie pour les étudiants du parcours sanitaire et social. La promo précédente avait exprimé ce besoin », explique Marie Delannoy. Pour les étudiants ayant besoin d’un accompagnement à l’orientation plus musclé, « nous insistons sur cette partie plutôt que sur la partie disciplinaire ». « Nous nous investissons pleinement, mais nous ne disposons pas d’une baguette magique », ajoute Émilie Goncalves.
La validation du DU Paréo n’offre pas d’office une place dans l’enseignement supérieur. Il faut à nouveau passer par Parcoursup. Mais, « contrairement au lycée où l’on se sent seul pour cette démarche, nous sommes entièrement accompagnés », précise Youna.
Et après le diplôme Paréo ?
« D’après les premières remontées qui nous parviennent, 75 % des étudiants qui suivent le DU Paréo jusqu’au bout obtiennent une réponse positive sur Parcoursup et surtout en adéquation avec leur projet d’orientation », avance Émilie Goncalves.
Pari réussi pour Lucas. Il vient d’intégrer en novembre une école privée pour effectuer un BTS communication en alternance. En plus de la formation d’audioprothésiste, Bénédicte compte formuler d’autres vœux dans le paramédical. Reste pour Youna à déterminer si elle choisit une école ou un BTS pour ses études de communication.
Nathan devrait postuler à SciencesPo. « La coordinatrice du DU Paréo m’encourage tout en restant réaliste. Elle me conseille de demander d’autres formations avec des taux d’admission plus élevés pour garder une chance d’être admis quelque part ».
Que deviennent ceux qui ne sont pas encore fixés ? « Nous essayons de les accompagner jusqu’à la mi-juillet », indique Marie Delannoy. Et la coordinatrice du DU Paréo de l’université de Cergy de rappeler : « Les étudiants peuvent profiter de la carte blanche pour effectuer des stages, des jobs, des séjours à l’étranger… Cela permet aussi d’avancer dans la définition de son projet d’orientation ».
Rappelons que les universités n’ont pas l’obligation de proposer le DU Paréo puisqu’il n’entre pas dans le schéma licence-master-doctorat. Grâce au label de l’État, le diplôme Paréo reste accessible aux mêmes frais qu’une année de licence, soit 170 euros. Et bénéficie d’une subvention publique, pérenne pour l’université de Paris Cité, temporaire pour les autres. « Sans cette aide, nous ne pourrions plus le proposer dans notre établissement qui connaît des difficultés financières », souligne Julien Vidal de l’université Paul-Valéry à Montpellier. D’après nos informations, ce financement aurait été renouvelé pour les 3 années à venir, bien que diminué de moitié, soit 2 000€ par étudiant. Un sursis appréciable pour laisser le temps au DU Paréo de s’installer ?
Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 03-02-2023
/ créé le 01-02-2023
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